Site http://www.epsilon-publi.net/ - espace http://www.epsilon-publi.net/b/bycart/ de B. Ycart, professeur de mathématique, Université Joseph-Fourier
Niveau bac+1 sciences, cours et QCM : structures algébriques, nombres réels, suites, limites, dérivées, etc.

Pour visualiser le document avec epsilonwriter, cliquer ici

Les nombres réels

Bernard Ycart

Licence CC-BY

Origine : M@ths en ligne - Université Joseph Fourier

Document produit en ouvrant un fichier Tex

Mots-clés: réel, addition, multiplication, ordre, borne, majorant, minorant, rationnel, irrationnel, approximation

 

 

Sommaire

1. Opérations

2. Bornes

3. Intervalles

4. Rationnels et irrationnels

5. Approximation des réels

6. Construction des bornes



Vous savez déjà compter, et vous connaissez les propriétés des réels. Une seule nouveauté dans ce chapitre, la notion de borne (supérieure ou inférieure) d'un ensemble. Au-delà des définitions, vous allez commencer à vous habituer aux «epsilons strictement positifs», à comprendre comme des quantités pouvant prendre des valeurs arbitrairement petites. À part ça, pas grand chose de neuf ni de difficile dans ce chapitre d'introduction à l'analyse.

 

 

Sommaire

1. Opérations

 

Nous ne présenterons pas de construction axiomatique de l'ensemble ℝ  des nombres réels. Cette section rappelle quelques notations, les propriétés des opérations (addition, multiplication) et de la relation d'ordre.

 

Nous utilisons les notations classiques suivantes pour les ensembles emboîtés de nombres ℕ⊂ℤ⊂ℚ⊂ℝ⊂ℂ  .

 

Notation  Ensemble  Exemples 
ℕ  Entiers naturels  0,1,2,3,... 
ℤ  Entiers relatifs  -2,-1,0,1,2,... 
ℚ  Rationnels  1,2,1/2,0,0012,355/113,.... 
ℝ  Réels  √2,π,e,... 
ℂ  Complexes  1+2i,1+i√3,2e^iπ/3,... 

 

 

L'exposant ^*  signifie «privé de 0  ». Ainsi, ℝ^*=ℝ∩{0}  , ℕ^*={1,2,3,...}  .

 

Pour les calculs usuels (à la main, sur les calculettes ou par ordinateur), ce sont forcément des nombres décimaux, donc rationnels, que l'on manipule. Pourtant l'ensemble ℚ  n'est pas un cadre de calcul mathématiquement suffisant, pour plusieurs raisons, qui seront énoncées dans la suite de ce chapitre. La première, reconnue dès l'antiquité grecque, est que certaines quantités, qui pourtant apparaissent couramment en géométrie élémentaire, ne s'expriment pas comme rapports d'entiers. La plus simple est la diagonale d'un carré de côté 1  , à savoir √2  : nous verrons plus loin que √2  n'est pas un nombre rationnel; √ ^3 5  , π  , ou e  n'en sont pas non plus.

 

Les propriétés de l'addition, de la multiplication et de la relation d'ordre sont rappelées ci-dessous.

 

Addition

 

∙  Associativité : ∀ x,y,z∈ℝ,x+(y+z)=(x+y)+... 

∙  Élément neutre : ∀ x∈ℝ,x+0=0+x=x 

∙  Opposé : ∀ x∈ℝ,x-x=x-x=0 

∙  Commutativité : ∀ x,y∈ℝ,x+y=y+x 

 

L'ensemble des réels muni de l'addition est un groupe commutatif.

 

Multiplication

L'ensemble ℝ^*  (ensemble des réels privé de 0  ), muni de la multiplication, est un autre groupe commutatif.

 

∙  Associativité : ∀ x,y,z∈ℝ,x(yz)=(xy)z 

∙  Élément neutre : ∀ x∈ℝ,x1=1x=x 

∙  Inverse : ∀ x∈ℝ^*,x(1/x)=(1/x)x=1 

∙  Commutativité : ∀ x,y∈ℝ,xy=yx 

∙  Distributivité : ∀ x,y,z∈ℝ,x(y+z)=xy+xz 

 

L'ensemble des réels muni de l'addition et de la multiplication est un corps commutatif.

 

Relation d'ordre

 

∙  Réflexivité : ∀ x∈ℝ,x≤x 

∙  Transitivité : ∀x,y,z∈ℝ,x≤yety≤z=>x≤... 

∙  Antisymétrie : ∀x,y∈ℝ,x≤yety≤x=>x=y 

∙  Ordre total : ∀ x,y∈ℝ,x≤y ou y≤x 

 

Les trois premières propriétés définissent une relation d'ordre. Ici l'ordre est total car deux réels quelconques peuvent toujours être comparés.

 

Pour des raisons de commodité, on utilise aussi couramment les notations ≥,<,>  :

 

Notation  Définition 
x≥y  y≤x 
x<y  x≤y et x≠y 
x>y  x≥y et x≠y 

 

On utilise aussi les ensembles de réels notés ℝ^ +  , ℝ^ -  , ℝ^+*  et ℝ^-*  .

 

Ensemble  Définition  Notation 
Réels positifs ou nuls  {x∈ℝ,x≥0}  ℝ^ + 
Réels strictement positi...  {x∈ℝ,x>0}  ℝ^+* 
Réels négatifs ou nuls  {x∈ℝ,x≤0}  ℝ^ - 
Réels strictement négati...  {x∈ℝ,x<0}  ℝ^-* 

 

La relation d'ordre est compatible avec l'addition par un réel quelconque, et avec la multiplication entre réels positifs.

 

∙  ∀x,y,z∈ℝ,x≤y=>x+z≤y+z 

∙  ∀x,y,z∈ℝ,x<y=>x+z&... 

∙  ∀x,y∈ℝ,∀z∈ℝ^+,x≤y=>xz... 

∙  ∀x,y∈ℝ^+*,∀z∈ℝ^+*,x<y... 

 

Comme conséquence de ces relations de compatibilité, on obtient les règles suivantes qui permettent de combiner des inégalités. ∀x,y,z,t∈ℝ,x≤yetz≤t=>... 

On peut donc ajouter deux inégalités de même sens (attention : on ne peut pas ajouter deux inégalités de sens opposés ni soustraire deux inégalités de même sens).

∀x,y∈ℝ,∀z,t∈ℝ^+,x≤yetz≤t... 

On peut multiplier deux inégalités de même sens, si elles concernent des réels positifs ou nuls. (attention : on ne peut pas mutiplier deux inégalités de sens opposés, ni diviser des inégalités de même sens, ni multiplier des inégalités qui concernent des réels négatifs). Pour se ramener à des inégalités de même sens, ou à des réels positifs, il peut être utile de changer de signe ou de passer à l'inverse.

 

∙  ∀x,y∈ℝ,x≤y=>-x≥-y 

∙  ∀x,y∈ℝ^+*,x≤y=>1/x≥1/... 

 

 

Sommaire

2. Bornes

 

Définition Soit A  une partie de ℝ  et M  un réel. On dit que M  est un majorant de A  si : ∀ x∈A,x≤M 

De même, m∈ℝ  est un minorant de A  si : ∀ x∈A,m≤x 

 

On dit qu'un ensemble de réels A  admet un plus grand élément (respectivement plus petit élément) s'il existe x∈A  tel que pour tout y∈A  , y≤x  (respectivement : y≥x  ). Donc le plus grand élément (s'il existe il est nécessairement unique) est à la fois un majorant de A  et un élément de A  . Le fait que l'ordre sur ℝ  soit total entraîne que tout ensemble fini de réels admet un plus petit élément et un plus grand élément. Si {a_1,...,a_n}  est un ensemble fini de réels, nous noterons min {a_1,...,a_n}  le plus petit et max {a_1,...,a_n}  le plus grand élément. Nous réserverons les notations min  et max  aux ensembles finis. Un ensemble infini de réels n'admet pas nécessairement de plus petit ou de plus grand élément. Voici quelques exemples.

 

Ensemble  Plus petit élément  Plus grand élément 
ℕ  0  Non 
ℤ  Non  Non 
{1/n,n∈ℕ^*}  Non  1 
{(-1)^n(1-1/n),n∈ℕ^*}  Non  Non 
{(-1)^n(1+1/n),n∈ℕ^*}  -2  3/2 
{(-1)^n+1/n,n∈ℕ^*}  Non  3/2 
{(-1)^n-1/n,n∈ℕ^*}  -2  Non 

 

Non seulement ℕ  n'a pas de plus grand élément mais de plus aucun réel n'est plus grand que tous les éléments de ℕ  . Par contre, les 5 derniers ensembles du tableau ci-dessus sont bornés au sens suivant.

 

Définition  Soit A  une partie de ℝ  (un ensemble de réels). On dit que A  est :

 

∙   majorée s'il existe un majorant de A  ,

∙   minorée s'il existe un minorant de A  ,

∙   bornée si A  est à la fois majorée et minorée.

 

Si M  est un majorant de A  , alors M+1  , M+2  et plus généralement tout réel plus grand que M  sont aussi des majorants. Nous admettrons pour l'instant le théorème suivant, dont nous donnerons une démonstration dans la section 1.6.

 

Théorème  Soit A  une partie non vide de ℝ  .

Si A  est majorée, alors l'ensemble des majorants de A  admet un plus petit élément.

Si A  est minorée, alors l'ensemble des minorants de A  admet un plus grand élément.

 

Définition  Soit A  une partie non vide de ℝ  .

Si A  est majorée, on appelle borne supérieure de A  et on note sup A  le plus petit des majorants de A  .

Si A  est minorée, on appelle borne inférieure de A  et on note inf A  le plus grand des minorants de A  .

 

Du fait que l'ordre des réels est total, la borne supérieure et la borne inférieure, si elles existent, sont nécessairement uniques. Lorsque A  admet un plus grand élément, la borne supérieure de A  est ce plus grand élément. Lorsque A  admet un plus petit élément, la borne inférieure de A  est ce plus petit élément. On étend la définition de sup  et inf  aux ensembles non majorés et non minorés par la convention suivante.

 

Si A  n'est pas majorée, sup A=+∞ 

Si A  n'est pas minorée, inf A=-∞ 

 

 Reprenons comme exemples les 6 ensembles du tableau précédent.

 

Ensemble  Borne inférieure  Borne supérieure 
ℕ  0  +∞ 
ℤ  -∞  +∞ 
{1/n,n∈ℕ^*}  0  1 
{(-1)^n(1-1/n),n∈ℕ^*}  -1  1 
{(-1)^n(1+1/n),n∈ℕ^*}  -2  3/2 
{(-1)^n+1/n,n∈ℕ^*}  -1  3/2 
{(-1)^n-1/n,n∈ℕ^*}  -2  1 

 

Dans le cas où A  est majorée et n'admet pas de plus grand élément, alors sup A  n'appartient pas à A  , mais on trouve néanmoins des éléments de A  arbitrairement proches de la borne supérieure.

 

Proposition  Soit A  une partie non vide de ℝ  .

 

Si A  est majorée, alors ∀ε>0,∃a∈A,supA-ε≤a≤su... 

Si A  est minorée, alors ∀ε>0,∃a∈A,infA≤a≤infA... 

 

Comme sup A  est le plus petit des majorants, sup A-ε  ne peut pas être un majorant. Il existe donc un élément de A  supérieur à sup A-ε  . Comme sup A  est un majorant, cet élément est inférieur à sup A  . Le raisonnement pour inf A  est analogue.

 

Nous allons souvent rencontrer dans ce cours des réels ε  strictement positifs arbitrairement petits. On peut s'en faire une idée concrète en pensant ε=0,001  , ou bien ε=10^-6  . Prenons comme exemple A={1/n²,n∈ℕ^*}  . La borne inférieure est inf A=0  . La proposition permet d'affirmer que pour tout ε>0  , il existe un élément de l'ensemble inférieur à ε  . Et d'ailleurs l'équivalence ci-dessous permet de l'exhiber. 1/n²≤ε<=>n≥√(1/ε) 

Pour ε=0,001  , 1/40²<ε  .

 

La proposition admet la réciproque suivante.

 

Proposition  Soit A  une partie non vide de ℝ  .

Si x  est un majorant de A  tel que ∀ε>0,∃a∈A,x-ε≤a  alors x= sup A  .

Si x  est un minorant de A  tel que ∀ε>0,∃a∈A,a≤x+ε  alors x= inf A  .

Si ∀ε>0,∃a∈A,x-ε≤a  alors pour tout ε>0  , x-ε  n'est pas un majorant de A  , donc si x  est un majorant, c'est bien le plus petit.

 

Le raisonnement pour inf A  est analogue.

 

La borne supérieure peut donc être caractérisée de deux manières différentes.

∙  sup A  est le plus petit des majorants de A 

∙  sup A  est le seul majorant x  de A  tel que pour tout ε>0  , il existe un élément de A  entre x-ε  et x  .

De manière analogue,

∙  inf A  est le plus grand des minorants de A 

∙  inf A  est le seul minorant x  de A  tel que pour tout ε>0  , il existe un élément de A  entre x  et x+ε  .

 

En liaison avec la proposition précédente, voici pour terminer cette section une application simple des notions de borne supérieure et inférieure, que l'on retrouve dans beaucoup de démonstrations.

 

Proposition  Soient a  et b  deux réels.

Si pour tout ε>0  , a≥b-ε  alors a≥b  .

Si pour tout ε>0  , a≤b+ε  alors a≤b  .

 

 Considérons la première affirmation. l'ensemble {b-ε,ε>0}  a pour borne supérieure b  . L'hypothèse affirme que a  est un majorant de cet ensemble. Il est donc supérieur ou égal à la borne supérieure, par définition de celle-ci. Or d'après la proposition,  la borne supérieure de {b-ε,ε>0}  est b  . La seconde affirmation est analogue.

 

L'ensemble {b-ε,ε>0}  de la démonstration précédente est un intervalle de ℝ  . Nous les décrivons dans la section suivante.

 

 

Sommaire

3. Intervalles

 

Définition  Une partie I  de ℝ  est un intervalle si, dès qu'elle contient deux réels, elle contient tous les réels intermédiaires : ∀c,d∈I,∀x∈ℝ,c≤x≤d=>x∈... 

 

Par exemple, ℝ^ +  est un intervalle, car tout réel compris entre deux réels positifs est positif. Mais ℝ^*  n'en est pas un, car il contient 1  et -1  sans contenir 0  . L'ensemble vide et les singletons sont des cas très particuliers d'intervalles. Nous allons utiliser sup  et inf  pour caractériser tous les intervalles contenant au moins deux éléments. Ils se répartissent en 9 types, décrits dans le tableau ci-dessous. Dans ce tableau, a  et b  désignent deux réels tels que a<b  .

 

Description  Définition  Notation 
?  ?  ? 
fermé borné (segment)  {x∈ℝ,a≤x≤b}  [a,b] 
borné, semi-ouvert à dro...  {x∈ℝ,a≤x<b}  [a,b[ 
borné, semi-ouvert à gau...  {x∈ℝ,a<x≤b}  ]a,b] 
ouvert borné  {x∈ℝ,a<x<b}  ]a,b[ 
?  ?  ? 
fermé non majoré  {x∈ℝ,a≤x}  [a,+∞[ 
ouvert non majoré  {x∈ℝ,a<x}  ]a,+∞[ 
?  ?  ? 
fermé non minoré  {x∈ℝ,x≤b}  ]-∞,b] 
ouvert non minoré  {x∈ℝ,x<b}  ]-∞,b[ 
?  ?  ? 
droite réelle  ℝ  ]-∞,+∞[ 

 

Voici la discussion pour les intervalles bornés. Si un intervalle I  est borné et contient deux éléments, il admet une borne inférieure et une borne supérieure distinctes. Notons a= inf I et b= sup I  Par définition de sup  et inf  , tout élément x  de I  est entre a  et b  : ∀ x∈I,a≤x≤b  Nous allons montrer que tout réel x  tel que a<x<b  appartient à I  . En effet, si a<x<b  , x  n'est ni un majorant, ni un minorant de I  . Il existe donc deux éléments y  et z  de I  tels que y<x<z  . Par la définition def:intervalle, x  appartient à I  . Selon que a  et b  appartiennent ou non à I  , on obtient les 4 premiers types du tableau.

 

Considérons maintenant un intervalle minoré mais non majoré. Soit a  la borne inférieure. Tout élément de I  est supérieur ou égal à a  . Montrons que I  contient tous les réels x  strictement supérieurs à a  . Comme x  n'est pas un minorant, I  contient un élément y<x  , et comme I  n'est pas majoré, il contient un élément z>x  . Donc x  appartient à I  . Selon que a  appartient ou non à I  , on obtient 2  types d'intervalles non majorés. Les deux types d'intervalles non minorés sont analogues.

 

Enfin, si un intervalle I  n'est ni majoré, ni minoré, pour tout réel x  , on peut trouver deux réels y  et z  dans I  tels que y<x<z  , ce qui entraîne x∈I  . Donc I=ℝ  .

 

 

Sommaire

4. Rationnels et irrationnels

 

Un nombre rationnel est le quotient de deux entiers relatifs. La somme de deux rationnels, ainsi que leur produit, sont des rationnels. Muni de l'addition et de la multiplication, ℚ  est un corps commutatif totalement ordonné, comme ℝ  . En revanche, ℚ  ne possède pas la propriété de la borne supérieure. L'ensemble des rationnels dont le carré est inférieur ou égal à 2  est non vide, majoré, mais il n'a pas de borne supérieure dans ℚ  , car √2  est irrationnel. C'est une application du résultat suivant.

 

Proposition  Soient m  et n  deux entiers strictement positifs. Le nombre √ ^n m  est soit entier, soit irrationnel.

 

 Nous allons démontrer que si √ ^n m  est rationnel, alors il est entier. Soient p  et q  deux entiers premiers entre eux tels que √ ^n m=p/q  . Alors, q^nm=p^n  . Mais alors q  divise p^n  , or q  et p  sont premiers entre eux. Ce n'est possible que si q=1  et m=p^n  .

 

Observons que la somme d'un rationnel et d'un irrationnel est irrationnelle ; il en est de même pour leur produit. Par contre la somme ou le produit de deux irrationnels peuvent être rationnels (par exemple 1+√2  et 1-√2  ).

 

Les rationnels et les irrationnels sont intimement mêlés, comme le montre le théorème suivant.

 

Théorème  Si un intervalle de ℝ  contient au moins deux points distincts, il contient au moins un rationnel et un irrationnel.

 

On traduit cette propriété en disant que ℚ  et ℝ∩ℚ  sont denses dans ℝ  .

 

Soit I  un intervalle contenant deux points a  et b  , tels que a<b  . Soit q  un entier strictement supérieur à 1/(b-a)  et p  le plus petit entier strictement supérieur à aq  . On a donc : p-1≤aq<p  et comme q  est strictement positif, p/q-1/q≤a<p/q  D'où : a<p/q≤a+1/q<a+(b-a...  Donc l'intervalle ]a,b[  , inclus dans I  , contient le rationnel p/q  .

 

De même, l'intervalle ]a/√2,b/√2[  contient un rationnel r  ; donc ]a,b[  contient r√2  , qui est irrationnel.

 

En fait, tout intervalle contenant au moins deux points contient une infinité de rationnels et une infinité d'irrationnels.

 

Les rationnels que l'on manipule le plus souvent sont les nombres décimaux, qui sont les multiples entiers de 10^-n  , où n  est le nombre de chiffres après la virgule : 3,141592=3+14159210^-6=3...  Les nombres décimaux sont le moyen le plus courant d'approcher les réels.

 

 

Sommaire

5. Approximation des réels

 

Nous définissons d'abord les outils de base de l'approximation que sont la valeur absolue, la distance et la partie entière.

 

La valeur absolue d'un réel x  , notée |x|  , est max {x,-x}  . Elle est égale à x  si x  est positif, -x  si x  est négatif.

 

Si x  et y  sont deux réels quelconques, la valeur absolue du produit xy  est le produit des valeurs absolues ; |xy|=|x||y|  . Par contre, on peut seulement encadrer la valeur absolue de la somme.

 

Proposition Soient x  et y  deux réels quelconques. La valeur absolue de leur somme est majorée par la somme des valeurs absolues, et minorée par la différence des valeurs absolues.  ∀ x,y∈ℝ,||x|-|y||≤|x+y|≤...   .

 

 Quitte à échanger x  et y  , nous pouvons supposer sans perte de généralité que |x|≥|y|  . Si l'un des deux est nul, alors les inégalités sont vérifiées : ce sont des égalités. Sinon, il suffit d'examiner les 4 cas possibles selon le signe de x  et y  .

 

x>0  et y>0  : |x+y|=x+y=|x|+|y|>|x|... 

x>0  et y<0  : |x+y|=x+y=|x|-|y|<|x|... 

x<0  et y>0  : |x+y|=-x-y=|x|-|y|<|x... 

x<0  et y<0  : |x+y|=-x-y=|x|+|y|>|x... 

 

Observez que dans tous les cas, l'une des deux inégalités est une égalité, mais ce n'est pas toujours la même.

 

En remplaçant y  par -y  , on obtient le même encadrement pour la valeur absolue d'une différence. ||x|-|y||≤|x-y|≤|x|+|y|  On appelle distance entre deux réels x  et y  la valeur absolue de leur différence. La proposition appliquée à (x-y)+(y-z)  , entraîne : ∀ x,y,z∈ℝ,|x-z|≤|x-y|+|y...  Pour aller d'un point à un autre, on ne peut qu'allonger le parcours si on s'impose de passer par un troisième : c'est l'inégalité triangulaire.

 

Étant donné un réel x  et un réel ε  strictement positif, nous dirons que a  est une approximation (ou une valeur approchée) de x  «à ε  près»  si la distance de a  à x  est inférieure à ε  , ce qui équivaut à dire que x  appartient à l'intervalle ]a-ε,a+ε[  . |x-a|<ε<=>x∈]a-...  Les approximations décimales se construisent à l'aide de la partie entière. La partie entière d'un réel x  est le plus grand entier inférieur ou égal à x  . On le note |x|  : |x|≤x<|x|+1  On en déduit : x-1<|x|≤x  La partie entière de π  est 3  . Attention : la partie entière de -π  est -4  , et non -3  . On appelle partie décimale de x  et on note D(x)  , la différence de x  avec sa partie entière. D(x)=x-|x|∈[0,1[ 

 

Soit x  un réel, et n  un entier. Considérons la partie entière de 10^nx  : |10^nx|≤10^nx<|10^nx|...  donc, 10^-n|10^nx|≤x<10^-n|...  Le nombre décimal d_n=10^-n|10^nx|  est l'approximation de x  par défaut à 10^-n  près. Observez que d_n  et d_n+1  coïncident jusqu'à la dernière décimale de d_n  : d_n≤d_n+1≤x<d_n+1+10^... 

Par exemple, pour x=π  , d_0=3,d_1=3,1,d_2=3,14,d... 

Réciproquement, la donnée d'une suite de décimaux (d_n)_n∈ℕ  , telle que

 

∀ n∈ℕ,10^nd_n∈ℕ 

∀n∈ℕ,d_n≤d_n+1<d_n+10... 

 

détermine un réel x  tel que pour tout n  d_n≤x≤d_n+10^-n  . La suite (d_n)_n∈ℕ  est croissante et converge vers x  . Notez (d_n)  peut déterminer un réel dont elle n'est pas la suite d'approximations décimales, dans le cas où x  est lui même décimal : 1=0,99999999...  En théorie, on peut approcher un réel x  par un nombre décimal à n'importe quelle précision. En pratique, la précision habituelle sur des calculs d'ordinateurs est de l'ordre de 10^-15  .

 

 

Sommaire

6. Construction des bornes

 

Le but de cette section est de démontrer le théorème : toute partie non vide et majorée de ℝ  admet une borne supérieure et toute partie non vide et minorée admet une borne inférieure. Soit A  une partie non vide et majorée de ℝ  : ∃ M∈ℝ,∀ x∈A,x≤M  Si x≤M  , alors -x≥-M  .

Si A  est non vide et majorée, alors -A={ -x,x∈A}  est une partie non vide et minorée. Si la borne supérieure de A  (plus petit des majorants de A  ) existe, alors la borne inférieure de -A  (plus grand des minorants) existe aussi et réciproquement ; de sorte que nous nous dispenserons de démontrer l'existence de la borne inférieure.

 

La démontration va consister à construire explicitement la borne supérieure, en déterminant ses approximations décimales par défaut. Nous vérifierons ensuite que le réel ainsi construit est bien le plus petit des majorants.

Soit A  une partie non vide de ℝ  et M  un majorant de A  . Pour tout n∈ℕ  , l'ensemble {|10^nx|,x∈A}  est un ensemble d'entiers, majoré par M  . Il admet donc un plus grand élément. Divisons chacun de ses éléments par 10^-n  : D_n={10^-n|10^nx|,x∈A}  L'ensemble D_n  est l'ensemble des approximations par défaut à 10^-n  près des éléments de A  . Comme le précédent, il admet un plus grand élément, que nous noterons d_n  . Par construction, pour tout n∈ℕ  , d_n+1≥d_n  . Nous allons démontrer par l'absurde que d_n+1<d_n+10^-n  Si ce n'était pas le cas, il existerait x∈A  tel que 10^-(n+1)|10^n+1x|≥d_n+1...  Mais alors |10^nx|  serait supérieur ou égal à 10^nd_n+1  , ce qui contredit la définition de d_n  . La suite (d_n)_n∈ℕ  est donc bien une suite d'approximations décimales et détermine un réel unique que nous notons b  . Nous voulons montrer b  est la borne supérieure de A  . Montrons d'abord que c'est un majorant de A  . Toujours par l'absurde, supposons qu'il existe x∈A  tel que x>b  . Fixons n  tel que 10^-n<x-b  . Alors 10^-n|10^nx|>10^-n|10...  ce qui contredit la définition de d_n  . Il nous reste à montrer que pour tout ε>0  , il existe x∈A  tel que b-ε<x  . Fixons n  tel que 10^-n<ε  . Par construction, il existe x∈A  tel que d_n=10^-n|10^nx|  . Donc b-ε<b-10^-n≤d_n≤x 

 

Ne nous leurrons pas : la démonstration qui précède, si elle présente l'avantage de construire explicitement la borne supérieure, n'est pas parfaitement étanche. Vous avez dû admettre qu'une suite d'approximations décimales détermine un réel, ce qui pour être parfaitement intuitif, n'en est pas moins un acte de foi. Pour le justifier, il vous manque une construction axiomatique de l'ensemble des réels, que nous vous raconterons certainement un jour, mais qui pour l'heure dépasse sensiblement le niveau de ce chapitre.